Paris, ça faisait longtemps.... L'homme déambulait dans les ruelles à 4h du matin, vers le Panthéon de la Sorbonne, il humait l'humidité ambiante des pavés frais autour de lui après une pluie de milieu de nuit qui avait laissé les trottoirs plus sombre qu'à l'accoutumé. Combien de temps cela faisait-il? 5 ans? Plus?

Pas grand monde ce matin, à vrai dire pas de monde du tout, pas âme qui vive dans les rues chics de la ville lumière en ce beau matin.....Enfin ville lumière, depuis longtemps ville poubelle, mais la crasse et l'abandon avaient été largement repoussés en périphérie de la ville, et ne touchait pas ce quartier-ci, comme protégé et figé dans le temps pour les touristes.

Il se trouvait au cœur du 5e arrondissement. Le soleil dardait à peine le bout de son nez et ébauchait une lumière rosée presque mielleuse sur les surfaces des immeubles de style Haussmanniens à 8 étages qui entouraient le si célèbre Panthéon à l'architecture néo-classique.... plusieurs types d'architectures mêlés, un grand contraste, plusieurs époques....La beauté de cette ville, outre l'architecture, cette lumière si particulière que l'on retrouvait dans de nombreux tableaux de maitres qui avaient essayé de capturer cette ambiance si romantique. Paris à l'aube.

L'homme un peu fatigué marchait dans les rues, vers sa destination finale qui n'aurait pas dû être celle-ci. Malgré sa beauté évidente, Paris n'était pas sa tasse de thé. Comme figée dans le passé.....A l'administration rigide et indétrônable, des institutions françaises, il préférait largement Londres.

Londres arborait un peu moins d'histoire sur ses façades, qu'à l'origine, à cause des bombardements de la 2eme guerre, mais la flexibilité et la vitalité de cette ville était bien différente. Ville en mouvement incessants et étourdissants, Londres était jeune et dynamique malgré son âge. Et elle aussi avait sa lumière, si particulière.... Lumière du nord, plus fraiche, plus timide mais tout aussi poétique. La promesse d'une aube plus douce.

                                                                                             

Le retour, et le passage sous l'arche des héros à Sullustéhan six mois auparavant n'avait pas été à la hauteur de ses attentes. L'ange, trentaine passée, avait attendu 10 ans pour son grand retour. Il avait espéré et fantasmé sont arrivée pendant presque une année entière et s'était créé une solide matrice de souvenirs beaucoup trop embellit par rapport aux souvenirs originaux, s'en était presque un mensonge.

Bien-sûr il savait que son petit frère ne serait pas là pour l'accueillir.... Major de Promo dans la voix de l'épée, il s'était vu offrir un cadeau de fin d'étude sans pareil par ses supérieurs : le droit de poursuivre ses études à Science-Po Paris en France, pour lui apporter les connaissances géo-politiques nécessaire lors de son affectation à venir sur la lointaine île française, oubliée et délaissée de la « Capitale-mère ». Cette formation, allait lui apporter les clés pour comprendre les enjeux de l'île sur laquelle il serait muté prochainement.

Sur ce point-ci Kalla s'attendait à passer de pénible moments avec ses vieux parents, à faire de la maintenance dans leur maison de Sullustéhan, tondre la pelouse et écouter les sermons raides et désagréables de son vieux père. Cependant il espérait se réjouir de revoir les hauts-jardins, de profiter de leur splendeurs, et de partager des bons moment entre amis.

Petit hic, ses amis étaient tous fortement occupés et parfois même parents, ou bien futurs parents avec un œuf sur le feu. Bien-sûr, il pouvait échanger avec eux régulièrement sur la ruche, mais n'était-ce pas déjà le cas quand il était sur terre? Les anges avec leur esprits d'union n'étaient jamais vraiment seuls. Et pourtant, bien qu'étant perché sur les ondes perpétuelles il n'en était pas pour autant moins isolé.

Peu-être qu'il avait lui-même fortement changé?.... peu-être était-il en dépression? Peut-être faisait-il un trouble de stress post-traumatique avec tous ce qu'il avait vu sur terre? Il n'était plus vraiment le même, beaucoup d'éthérés n'étaient plus vraiment les mêmes après êtres revenus de leur mission....

Une chose était certaine, les hauts-jardins ne le rassasiait pas. Il n'arrivait pas à s'asseoir plus de cinq minutes sur ses bancs, son livre de poche sur les herbes rares, lui tombait régulièrement des mains. Sentiment étrange. Il s'était toujours tellement langui de ses jardins. Peu-être que c'était pour ça, le manque avait été trop grand.

Bien-sûr qu'il aimait sa cité d'un amour profond. Quiconque étant né à la cité mère ne pouvait qu'aimer cette endroit. Cependant Kalla ne se sentait pas digne de rentrer de si tôt. Il voulait accomplir plus avant cela. Il voulait rentrer pour ses vieux jours. Récupérer la maison familiale et cultiver son jardin avec ses futurs enfants.

Il déambulait sans goût pour grand chose, le cœur vide.... Il finissait par s'arrêter déguster un thé sur le pouce dans une des charmantes boutique de thé de la Cité-mère. Cette boisson chaude avait au moins le chic de lui réchauffer les entrailles.... Il passait parfois par la voûte pour payer ses hommages à la constellations mortuaire, ensuite il rentrait chez lui aider ses parents à effectuer de menus travaux....

Seule point positif, la liberté de déployer grand ses ailes et voler à travers la cité pour aller d'un point à un autre. Sinon c'était le vide sidérale qui s'emparait de son âme, et creusait un trou profond dans son cœur.

Après le terrain, il était très difficile voir quasi impossible de reprendre une vie normale. Et l'ange n'avait absolument pas le droit d'officier dans l'hôpital de la Cité. Malgré les quelques enseignements privilégiés qui lui avaient été gracieusement offert par Alma dans les soins aux humains, le céruléen n'étant pas originellement de la voie du sang, n'avait aucun droit de prodiguer des soins à ses confrères et consoeurs.

Il pensait redescendre bientôt sur terre et reprendre un job, il voulait pratiquer la médecine, quand il reçu un appel qui le ramenait sur là-dite terre plus tôt que prévu....

                                                                                         

Kallatriel marchait d'un pas soutenu, passant de ruelles en ruelles parisienne, une adresse griffonnée sur un bout de papier. Sur son chemin il écoutait la radio angélique à la recherche d'une information qui pourrait lui servir, mais son correspondant espéré n'était pas sur les ondes pour le moment.

Ses chaussures trouées sous le dessous commençaient à prendre l'eau, mais il n'en avait cure. Arrivant proche du quartier Latin, il pris une énième ruelle sur sa droite, et arrivé au n°6 d'une rue quelconque, griffonnée sur son bout de papier, il sonna à l'interphone.

La personne à l'autre bout de l'interphone appuya sur le bouton d'ouverture de la porte mais n'articula aucun mots. Entendant le buzz, Kalla poussa les gonds de la porte massive en bois et s’engouffra dans un long couloir étroit et sombre, qui menait à un escalier ancien aux marche en bois, dont la cage était encore plus sombre. Dans la semi pénombre de cette cage d'escalier toute aussi étroite que le couloir précédent, l'ange monta jusqu'au premier étage.

Il toqua à la porte d'entrée. Dans l’entrebâillement de la porte un jeune homme aux traits tirés et au boucles blonde fit son apparition. Il ne laissa que le quart de sa tête apparaître à travers la fente, mais déjà, Kalla, croisant son regard mordoré, eut la confirmation que ça n'allait pas.

Le jeune homme, ouvrit complètement la porte, laissant apparaître le reste de son torse nu, couvert de sang. Sans un autre regard pour son frère aîné, il se retourna et s'avança dans la pièce voisine d'une démarche presque cadavérique. Le dos voûté en arc, comme si il était Atlas, portant tous le globe et ses problèmes sur ses épaules.

Il s'avachit dans un fauteuil et ne bougea plus, la tête ballante sur les épaules, le regard vide. L'ange aîné, s'avança à son tour dans la pièce, passant le dernier coin de mur qui cachait la scène.

Au milieu de la pièce au pied du lit double, gisait une forme détruite au poing américain, une forme humanoïde aux couleurs cependant hors normes, le cadavre avait la peau rouge carmin, avec des zébrures jaunes dorées sur tout le corps. Une fourrure brun sombre s'unissait à ses cheveux longs, de la même couleur à la naissance de sa nuque. Deux cornes trônait sur le dessus de ce qui, auparavant, avait dû être sa tête. Sa cage thoracique avait été éclatée. Son visage n'était qu'un amas de chairs informes.

L'aîné se retourna vers son cadet. Et aperçu immédiatement l'instrument de torture responsable de se carnage, trônant sur les phalanges gauches ensanglantées d'Alliel.

Le petit prodige de dieu avait abattu son poing vengeur. L'ange à la gueule de chérubin si douce aux traits si parfait, avait fait preuve d'une sauvagerie sans pareil. Comme avait-il pû?

Kalla fut pris d'une rage intérieur très froide. Il eut une envie irrépressible d'écraser son poing dans le mur le plus proche. Plus encore, il avait envie de sauter au coup d'Alliel et de le battre. De lui donner la raclée de sa vie....Il s'avait que si il commençait il ne s'arrêterait pas, et Alliel étant bien plus fort que lui, il n'avait plus l'avantage des temps passés.

Des larmes coulèrent de ses yeux. Il fit dos un moment à son cadet encore trop sous le choc pour remarquer quoique ce soit, à fin de prendre le temps de se recomposer un petit peu.

Malgré sa forme humanoïde plus qu'étrange, la carcasse était définitivement celle d'un jeune homme. Probablement du même âge qu'Alliel. Qui était-il? Un Adlagoon au vu de son état, mais quelle était l'identité de ce garçon? Il devait bien être quelqu'un? Il avait sans doute des parents et une famille qui le manquerait?

La victime était elle aussi torse nu. Son sang pourpre avait coulé sur le plancher. Il risquait de passer à travers les lattes et s'infiltrer à l'étage inférieur.

Kalla se retourna vers un Alliel hagard, et croisa son regard d'ou des perles d'eau claires avaient commencées à s'écouler de ses prunelles d'or.

Essayant de maitriser le ton de colère au fond de sa voix au maximum, il ouvrit la bouche pour la première fois depuis son arrivé.

-Tu as accompli la volonté de dieu, je te félicite, tu es le bras armé de dieu. Le fils prodige,....tu peux être fière de toi, ceci est ta première mais ne sera très certainement pas ta dernière fois. Ressaisit toi, l'équipe de nettoyage ne va pas tarder à arriver. Vas t'habiller.

Bien entendu il ne pensait pas un traitre mot de ce qu'il venait de dire. Son petit frère venait de mettre à mort son amant. Qui pouvait bien comprendre se genre de choses? Qu'était devenu le petit garçon si aimant qu'il avait toujours cherché à protéger? Est-ce que le jeune homme gisant à terre, avait essayé de lui révéler sa forme originelle? L'avait-il prit d'assaut? était-ce de la légitime défense? Si cela avait été le cas au début, la passion avait largement pris le dessus.

Le tableau s'étendant devant lui avait tout d'un crime passionnel. Alliel, ne l'avait pas éliminé au sabre de manière claire et précise, il l'avait battu à mort.... Mais après tout, n'était-ce pas la volonté de la Déesse? N'était-ce pas ça les anges élus de dieux, la précieuse voie de l'épée? Alliel venait de tuer son premier Adlagoon. Cela mériterait forcément récompense.

Kalla se repris un peu et commença à s'affairer. Les mains toujours tremblantes, il alla fouiller dans l'armoire et sortit une grande bâche de toile bleue. Il attrapa le bras du démon et le traina délicatement dans la bâche pour l'envelopper consciencieusement. Il parti ensuite chercher un sceau et une éponge dans la cuisine, pour essuyer le plus gros du sang et éviter qu'il ne dégoutte à travers le plancher. Le reste n'était pas son travail. Son travail était de récupérer Alliel et de le ramener à Sullustéhan.

                                                                                

Assis sur une des chaises autours de sa grande table ronde, dans sa petite cuisine de Roanapur par cette belle journée chaude et ensoleillée, Kalla sirotait silencieusement un thé vert Sencha. Aujourd'hui il avait le plus grand mal à décoller de chez lui. Il était pensif, la nuit dernière avec Primerose venait de lui faire remonter un vieux souvenir. Le fait que son frère pouvait être très dangereux pour un individu comme la jolie rose incendiaire à la chevelure de feu, venait de se rappeler à son bon souvenir. Souvenir qu'il aurait préférer enterrer.