Dans l'obscurité de la pièce, un sourire éclaira son visage.
Pas de service ce soir, lui laissant tout le loisir de dîner en tête-à-tête avec son ordinateur. Au fond, le programme il s'en fichait éperdument. Une nana chantait un air un peu triste accompagnée de sa guitare. Le jury était conquis, le public aussi.
Lui écoutait distraitement, les yeux au plafond, cherchant dans le vague des étoiles qui ne brilleraient jamais ici.

Sam, couché sur le lit dormait, appuyé contre sa jambe. Son corps lui procurait une chaleur réconfortante, comme pour dire : 'Je suis là. Tu n'es pas tout seul'.
Avec le chien il en avait tant vu. Il en avait tant vécu.
Il gratta la tête de l'animal affectueusement.
Pauvre bête. A subir le monde des hommes, risquer la destruction de son corps à chaque mission, simplement par amour pour lui.
Quelque part, Nathan ne se sentait même pas digne de pareille confiance et dévotion. Il en avait assez demandé à son chien, chercher les explosifs, pourchasser des bandits, baisser la tête sous le feu ennemis...

Il referma la main sur le goulot de sa bouteille.
En short de sport, assit dans son lit, les lueurs de l'écran éclairaient chichement la petite pièce plongée dans un chaos monstre. Lui se fichait qu'on ne puisse pas dire quel était son sol. Il n'avait rien à faire que des restes de nourriture traînent ça et là dans une hygiène douteuse.

Il porta le goulot à ses lèvres.
Le liquide lui brûla la bouche, enflammant son palais et sa langue, et réchauffant son estomac. Il accueilli la sensation avec satisfaction.
Son cerveau était comme porté par un petit nuage cotonneux. L'univers tournait lentement autour de lui dans un mouvement apaisant.
Enfin il avait moins mal à la tête. Ce soir, grâce à ce remède miracle qu'il s'administrait, il dormirait du sommeil du juste.

Quelque part au dehors, un chien gronda. Un bruit sourd.
Qu'importe. Chacun ses problèmes. Ce soir c'était sa nuit. Pour lui.
Est-ce qu'il avait bien verrouillé la porte ? A priori, oui...
Il voulu se redresser pour aller vérifier mais chancela et s'effondra aux pieds du lit.
La bouteille n'avait rien ? Non, par chance elle était intacte.
Il se fendit d'un sourire. Puis éclata de rire.

Roulant sur le dos, l'homme s'envoya une autre rasade de Bacardi dans la gorge.
Quelques gouttes coulèrent au coin de ses lèvres pour s'écraser sur une fiche de suivi d'un suspect. Il était hilare en même temps qu'il buvait, s'étouffant à moitié.
Doucement il se laissa rouler sur le flanc et serra le poing.
Allait-il se relever ? Non, en fait il était bien là. Sur son petit bordel rassurant. Il y avait toute sa vie là, avec lui. Ses notes de service, ses notes de livraisons, ses boites de munitions de 9mm, ses tenues de sports sales, ainsi que ses comics.
Il avait un peu cessé de lire en ce moment.
On s'en fout...

La femme ne chantait plus maintenant. On entendait une ovation du public maintenant. Et la lumière projetée au plafond jetais des ombres agressives dans toute la pièce.
S'ils le voyaient ils n'applaudiraient pas de la sorte. Nathan de toutes les façons ne cherchait pas l'admiration des gens, ça réglait la question.

Qu'est-ce qu'il cherchait, après tout ?
... Une question intéressante.
Pour se donner du courage dans cette réflexion, il choisit de boire encore.
Il était venu ici pour servir son pays. Combattre les méchants, botter l'cul de quelques hors là lois, et toucher un salaire qu'il pourrait envoyer à sa sœur pour qu'elle avance dans ses études.

Est-ce qu'il était venu ici parce que c'était ce qu'il cherchait ? Non.
Savait-il même ce qu'il voulait ? Au fond il s'en doutait. Mais était incapable de le formuler vraiment. Il l'avait sur le bout de la langue, mais...

Plus de rhum sur la langue. Il avala encore l'alcool qui glouglouta joyeusement dans son ventre.
La bouteille roula au sol.

Au fond on s'en foutait de ce qu'il cherchait.
Il était là, point. Et ce qu'il voulait, il ne l'aurait pas. Car ce que lui désirait le plus était secondaire pour la société dans laquelle il vivait. C'était insensé, risqué.
Et leur vie serait un enfer. Il ne se pardonnerait pas de leur offrir... Tout ça...


...
Il s'était assoupi alors que l'or et le rose du soleil levant embrasaient la pièce d'une lumière orangée. Quelques fut ses songes il ne s'en souviendrait pas au réveil.
Mais pour l'heure, ses paupières closes laissaient couler des larmes salées sur le pull qui lui servait d'oreiller de fortune.
Voyait-il ce qu'il cherchait ? Ou voyait-il qu'il ne l'obtiendrait pas ?
Qu'importe... Il n'en n'aurait nul souvenir en reprenant conscience.

Il aurait seulement mal au ventre... Et l'impatience en tête de reprendre là où il s'était arrêté ce soir...

Il poussa avec ses épaules, ses bras et ses pectoraux, relevant son nez du sol. Revenu à la position de départ, pris de tremblements d'épuisement, il s'agenouilla. Sa poitrine se soulevait précipitamment. Ses bras étaient en feu. Simplement remonter son avant bras pour regarder sa montre devenait un geste épuisant.

Il attrapa sa gourde d'un geste mou. Cent dix-huit pompes. Plus que douze. Et il serait libre. IL suivait la course de l'aiguille des secondes. Pourquoi est-ce qu'elle allait si vite ? Déjà quinze secondes...
Il laissa aller son dos moite conte la serviette posée au sol. Son casque lui vomissait Electric Head Pt.1 de White Zombie. Et malgré tout le punch violent du métal, il se sentait fébrile, prêt à craquer.
Au bout de ses trente secondes de repos, c'est à contre-coeur qu'il plia les jambes, joignit ses points à sa poitrine en croisant les bras, et dans une grimace redressa son buste à la force de ses abdominaux.


Cent quatre-vingt abdos...
Il consulta sa montre. Putain ça ne faisait que vingt-trois minutes qu'il avait commencé...
Luttant pour retrouver son souffle, il resta là, sur le dos, les yeux perdus dans l'obscurité. Qu'avait-il à voir, de toutes façons? Rien sinon sa propre faiblesse.
Il devait pouvoir faire plus. Il fallait faire plus. Dans l'état actuel des choses, il était incapable d’appréhender un suspect.

Zeka Thyne...

Soudain prit de haine, le policier n'attendit pas la fin de son temps de récupération et ferma les poings sur ses haltères hexagonales de douze kilos. Il se releva et, paume vers le haut contracta ses biceps pour soulever les vingt-quatre kilos.


Les poids retombèrent au sol. Ses épaules hurlaient leur protestation. Une brûlure enflait à droite. Il commençait à trop pousser. Il s'agissait de ne pas continuer plus avant.
Mais il se rappela que son visage l'avait bien plus fait souffrir que cela après l'explosion.


Il se laissa tomber sur le cul et s'épongea la front à l'aide de sa serviette. Son torse, ses bras gonflés par l'effort lui faisaient mal. Il avait l'impression qu'il s'agissait de bois qui venait d'être taillé tant les muscles étaient tendus.

Au milieu de la transpiration acide perlèrent des larmes amères.
Pourquoi faisait-il tout cela ? Pourquoi s'infligeait-il cette souffrance tous les deux jours ? Là, maintenant, tout de suite, il ne savait plus.
Son esprit tout entier était occupé par les douleurs musculaires. Elles ne dureraient pas longtemps. Mais pourquoi s'imposer cela ?
La plupart des gens ne faisaient rien de tout cela. Pire ! Le voyait d'un mauvais oeil parce que c'était patriarcal, masculiniste et autres conneries de pensées progressistes modernes!

Putain, heureusement que des enculés comme moi font ça pour venir vous porter secours quand vous en avez besoin ! Heureusement que je me bute à le faire pour que vous n'ayez pas à le faire !!!

Son abattement se muèrent en haine profonde. De lui, d'eux !
Il allait se punir d'être si faible ! Il était repartit pour douze pompes !


Nathan Dhall avait perdu de vue ses raisons premières. Au départ il ne s'entrainait pas pour se faire du mal, ou en prévision de faire du mal. Il avait été une question de protéger, au début. Ainsi qu'un passion pour le sport en général.
Mais il avait mûri, il s'était aigri. Les raisons du combats avaient disparus.

Mais le combat était éternel. Car tant qu'il y aurait d'Hommes, il y aurait des combattants...

Confortablement installé dans le noir, il papouillait l'oreille du chien qui était couché sur lui.
Avait-il le mal du pays ? Sa famille lui manquait-elle ?
Peut-être... Mais ce qui lui manquait le plus était la famille qu'il n'aurait jamais. Non pas celle qu'il avait. Celle qu'il aurait.

Bizarre, non ?

Mais Nathan était bizarre.
Il le savait. Il ne se satisfaisait pas de ce que les autres appréciaient. Il ne se complaisait pas dans le confort technologique et financier. Non. Lui tirait son plaisir d'autres aspects de la vie. La société consommatrice individualiste qui semblait avoir pliée à sa volonté les individus ne lui réussissait pas.
Lui rêvait de balades en forêts. De sourires de poupons. De Sam qui gambade joyeusement. De l'arrêt du sang et de l'argent Roi.
Car des personnes seraient toujours prêtes à se sacrifier au nom du souverain. Et celui actuel n'avait rien d'humain. D'abord outil pour les humains, il en avait fait ses esclaves.

Et lui qui ne rêvait de billets verts voyait plutôt cette femme marcher dans ses rêves. Et même s'il parvenait à l'oublier, il aurait aimé dire, que tout ce qu'il aurait pu penser, aurait longtemps le parfum des regrets.
Mais puisqu'il ne vivrait jamais avec elle, puisqu'il était fou, puisqu'il était seul, puis qu'ils étaient si nombreux. Il aurait aimé dire, que tout ce qu'il aurait voulu dire, il l'a puisé à l'encre de ses yeux...

Caressant Sam, il se sentait bien contre la chaleur du chien assoupi.
Au fond, il n'y aurait jamais qu'eux deux. La team. Les amis.

Il lui grattouilla le flanc.
Non ça n'était pas qu'un chien. C'était son ami. Son frère.
Un Nathan en plus parfait.

Les humains étaient corrompus par l'envie, la jalousie, la haine, et la cruauté.
Les animaux de la nature étaient indifférents à tout cela. Ils se contentaient de vivre.
Et c'était tout ce qu'il recherchait. Désirait.

Mais il savait qu'il était corrompu. Achetable.
Toute sa vie n'était qu'une suite de décisions. Prises par sa morale... Mais surtout parce qui lui permettait de vivre.
Ceux qui lui donnaient de l'argent pour vivre. Sa vie ne tenait qu'à la morale et aux décisions de ceux qui lui donnaient de quoi vivre.

Alors, seul dans le noir, il caressait celui qui se foutait de la morale. Du business, de questions existentielles.
Sam était parfait. Il vivait. Il ne cherchait pas à savoir pourquoi ou comment. Au fond, il devait-être bien plus heureux que lui.
Et en fait, cela le rendait... Meilleur.

Meilleur que lui, Nathan, ne le serait jamais.

Simple...

-" A toutes les équipes. Vous avez le feu vert pour intervention. "

Il inspira à fond et retint son souffle.

Shield déploya le lourd bouclier pare-balle.
Joshua fit feu de son fusil à pompe sur le verrou de la porte et décocha un violent coup de pied dedans ! Elle s'ouvrit à la volée !

-" POLICE !!! LES MAINS SUR LA TÊTE !!! "
-" POLICE !!! "
-" HOSTILE HOSTILE !! ON THE LEFT ! "

Nathan agrippait de toutes ses forces l'épaule de l'homme devant lui de la main gauche. Il avançait, ce qui tirait le policier naturellement.
Bien que gaucher, il tenait son P90 de sa main droite, pointée vers vers l'avant. Toute la gauche de sa vision était obstruée par la colonne, le bouclier. De sa position, il ne voyait que la droite du couloir.
Sam, tendu, avançait entre le mur et ses jambes à la même vitesse que lui, prêt à bondir.

Comme sur le plan qu'ils avaient étudiés avant, l'appartement n'était fait que d'un long couloir qui donnait sur les autres pièces.
Tout de suite sur sa droite, une porte fermée était sensée donner sur la pièce principale.

-" Got that door ! Fred cover me !! "

Will et Fred prenaient l'assignation.
Nathan reporta son attention sur l'avant. Des déflagrations de tir trouèrent l'air !
Malgré les tirs d'arme de guerre qui frappaient le bouclier, Shield continua d'avancer. Joshua surgit de derrière lui ! Il tira.
Deux coups de SPAS 12 détonnèrent ! Un cri étouffé.
Nathan ne voyait rien mais il faisait confiance en ses équipiers et frères de combat.

-" One hostile down ! "
-" Warnung Fred. Hinter dem Sofa... Got that bitch. "

Personne ne songea à reprendre Linda sur son langage.
Ils avançaient toujours.
Ils piétinèrent du sang et une forme au sol parcouru de soubresauts.
Le couloir s'élargissait encore à droite. Des tirs de pistolet retentirent sur la droite. Joshua lâcha l'épaule de Shield et quitta la colonne, en tirant.
Nathan qui se cramponnait à lui suivit le mouvement. Par-dessus l'épaule de son collègue il vit une femme en robe de nuit et un homme torse nu qui brandissait un pistolet dans leur direction.
Il tira.
Les deux balles frappèrent son torse, ne le faisant même pas chanceler.

-" FUCK DA POLICE !!! "

Une force titanesque projeta la tête de Nathan vers l'arrière !
Comme un uppercut d'un titan ! La nuque endolorie, le policier se retint de toutes ses forces à son camarade et resta debout. Sam en grondant se jeta tous crocs sortis ! Le narcos perdit tous ses moyens et recula instinctivement. Mais déjà le chien avait bondit et refermait sa puissante mâchoire sur le bras armé de l'ennemi qui tomba à la renverse.

Joshua se précipita et et administra un puissant coup de crosse dans la gueule de l'autre ! Qui ne bougea plus.
En passant, Nathan lui colla un coup de pieds dans les cotes, pour la forme. Puis se porta au-devant de la la femme en robe.

-"RETOURNE TOI ! RETOURNE TOI ! MAINS SUR LA TÊTE !!"

Quoi ? Pourquoi tu faisais ta gueule choquée toi ? Obéis sal...
Le policier avec brutalité la força à pivoter, face contre le mur de la cuisine et lui joignit les mains dans le dos.

-" Un hostile endormi. Il lui faut une aide médicale d'urgence. "

Nathan passa le serflex autour des poignets de la suspecte.

-" Rashard ! Vous n'avez pas le droit de... ! "
-" Putain, Josh', t'as vu ça ? Cet enfoiré coké m'a envoyé une balle dans le casque !!"
-" Sérieux ?! "

Le meilleur ami de Nathan acheva de panser le torse du noir étendu au sol.

-" Putain de merde, il t'a pas loupé ce con ! "

Nathan ne voyait presque plus rien sur la droite de son casque. L'épaisse visière blindée présentait cette cassure en forme de toile d'araignée.
Dégoûté, il retira la protection balistique et la flanqua dans l'évier plein de vaisselle sale. Ses cheveux étaient trempées de sueur.
Le policier s'agenouilla et vérifia que Sam n'était pas blessé.
Rien, il avait beau palper un peu partout, le chien le regardait avec amour.

Nathan flatta son chien d'une caresse.

-" Quel enculé, putain ! Deux bastos dans le buffet et il s'en bat les couilles ! "

Plus loin dans l'appartement ça ne tirait plus mais ça vociférait des ordres.

-" Squad Leader aux unités engagés. L'appartement est sous contrôle. Je répète, zone blanche."

Dans un soupir Nathan rétabli la sécurité sur son arme et éteignit l'équipement électronique de visée holographique.
Depuis que Darael Téan avait prit poste à la tête de la police, les interventions s'enchainaient à un rythme vertigineux. Ils étranglaient petit à petit les gangs, ce qui contraignait à se montrer de plus en plus inventifs dans leurs méfaits. Ou à monter d'un cran dans la violence.

Le policier se demanda encore combien d'interventions il pouvait faire sans se faire sécher sur place.
Il avait vu trop de collègues arrêter pour mutilations entrainant des handicaps sérieux.
La balle dans le casque lui rappelait qu'il n'était pas invincible.

Tout aurait pu s'arrêter ici pour lui.
Sa dépouille aurait été rapatriée au pays. Ses collègues à Roanapur ne sauraient pas pourquoi, persuadés qu'ils étaient qu'il était d'ici.
Sa sœur devrait sans doute arrêter ses études d'avocate, faute d'argent et trouver un boulot en hâte. Sam irait à mère.
...

Rien de fou, en somme.

-" Yo Nath', Josh', on fait une fête surprise pour Linda ! Dès qu'elle a fini de se changer on la chope et on la colle dans une bagnole ! On roulera hors de la ville. On a amménagé un ptit coin avec un lanceur de balles de golf ! Avec un pompe ou un fusil de chasse faut shooter dedans. Y'auras de la bière et tout. Et j'ai prévu un petit plus..."

Le policier cligna des yeux, revenant au présent. C'était Kelly les yeux pleins d'étoiles, et le sourire malicieux qui lançait l'idée.
Nathan sourit.
Linda venait de faire sa centième intervention et toujours célib'. Et son centième tir au but confirmé.

-" Han ! Je t'aide à la bâillonner. "

-" Idiot, ich höre dich "

Ils déguerpirent se cacher lorsqu'ils virent la snipeuse foncer vers eux...

SBAAF !

La claque sonore lui fit légèrement tourner la tête. Ce qui ne l'empêcha pas de toujours avoir l'oeil valide tourné vers la femme d'âge mur.
Elle tourna les talons et partit vivement, l'air courroucée.  

Des éclats de rire retentirent en réaction à la réaction outrée.
Nathan afficha un sourire incompréhensif et se retourna vers les gars, debout à côté des consommations. Shield, penché sur la table était concentré sur son prochain coup. Il pouvait foutre la boule numéro quatre dans le trou s'il faisait une double bande. Josh' adossé contre le mur était hilare.

-" Il l'a fait ! Il l'a fait ce con ! "

Valkyrie un sourire en coin échangeait une poignée de billets avec Kelly qui récupéra l'enjeu du pari et s'en vint à la rencontre de Nathan, fort réjouie.
Elle lui passa un bras autour des épaules et l'escorta sain et sauf jusqu'à leur table de billard.

-" Alors là Rantanplan, tu m'épates ! Mec, t'es pas bien! Quand on te propose 'va lui proposer de tourner avec toi un film X scato', tu es sensé nous rembarrer fissa ! En plus elle avait quoi ? Vingt ans de plus que toi ? "

Nathan ébouriffa affectueusement ses cheveux teints en bleu océan.

- " Que veux-tu ? Tant qu'elles ont des vraies dents, j'suis pas excité. File moi ma part des gains ! C'est grâce à moi si tu es riche ! "

- " Quoi riche ? Twenty bucks ! Même pas assez pour un macdo ! "

La boule blanche fusa et la numéro quatre frappa durement la glissière. Il y eu des sifflements appréciateurs. Joli coup !
Shield tourna autour de la table, cherchant sa prochaine cible.
Linda était toujours adossée au mur, près des boissons. Elle n'avait prit qu'un diabolo menthe, mais plus personne n'osait se moquer de ce choix saugrenu. Sous la lumière tamisée, on ne devinait ni son expression, ni qui avait son regard.

Josh s'approcha. Il ouvrit les bras.

-" Dude ! Le pire c'était qu'au début elle était branchée. A quel moment le coup du 'pardon madame, mon chien a flairé que vous aviez la plus belle âme de la ville' pouvait servir d'accroche valable ? "

Nathan haussa les épaules et but le fond de sa chope de bière.

- " L'humour par la beaufferie, dude ! Si elles ne trouvent pas ça drôle, au moins elles te trouve franc, et ça c'est l'avantage. Pas de vieille manipulation idiote pour faire voler la culotte ! ... Tiens, ça rime... "

- " Saperlipopette ! Qu'on m'apporte ma queue royale ! "

Répondant à son appel, Shield cessa de jouer et apporta sa canne de billard et la tendit à Joshua qui s'en saisit comme d'une épée.

- " Votre altesse, voici votre grosse queue bien dure ! "

Valkyrie roula des yeux exaspérés dans ses orbites.

Nathan ploya un genou religieusement au sol et baissa la tête respectueusement malgré le sol qui tanguait dangereusement. Le bâton tapota l'épaule droite puis gauche du policier.

- " Rantaplan, par les pouvoirs que me confèrent le Red Rhum, je te nomme chevalier de l'ordre de la Beauferie ! Ce titre te permet de draguer de la minette sur l'ensemble de l'établissement, mais en restant toujours le plus vulgaire possible ! Si tu étais attrapé à avoir des propos dignes ou sensés tu t'exposes à cent coups de pieds au cul jusqu'à ce que tu sortes dans la rue comme un pov' gars droit et honnête ! J'ai dit ! "

Toute l'équipe sauf Linda applaudit à la promotion.
Nathan salua. On le prit fermement et on l'approcha de la table de billard. Le whisky faisant son œuvre, il ne savait plus trop ce qu'il devait faire. Mais visiblement, c'était son moment.
Josh' lui remit la canne de jeu.

- " Tiens. Balance nous des boules dans l'trou ! "

Ils échangèrent un regard complice. Puis le policier se pencha sur la table et observa la sphère blanche, cherchant les meilleures cibles et rebonds possibles. Comme au tir il joignit l'œil à son objectif. Mais il fut troublé.

Linda avait quitté son mur et venait nonchalamment s'appuyer aux bords du billard, en face de lui. Ses bras compressaient sa poitrine, et penchée vers l'avant, son débardeur offrait une vue vertigineuse sur ses atouts féminins, qu'elle avait généreux. Elle plongea son regard dans le sien et lui adressa un clin d'œil. C'était forcément une blague.
Mais primo, Linda ne blaguait que très rarement. Et secundo, TOUT LE MONDE flashait sur Linda.

Sans le vouloir, Nathan effleura la boule blanche de sa canne, l'envoyant piteusement rouler plus loin sans rien toucher du tout.

La snipeuse s'écarta aussitôt de la table, retrouva son air impassible et, retournant à sa place d'origine répondit au high five de Kelly.

- " Zu einfach. "

Maintenant, il ne restait plus qu'à l'équipe adverse de profiter de leurs deux coups pour marquer leur point restant.

- " Mais... Mais c'est de la triche en bande organisée ! C'est un scandale ! "

Shield et Josh' tentèrent de faire les pitres et d'empêcher Kelly de jouer, mais Valkyrie les retenait fermement.

- " Et après ça chouine qu'on ne vous regarde pas dans les yeux ! Bande d'hypocrites avec vos armes de séduction massive ! "

- " Z'avez qu'à pas être faibles, les mecs. Et demain soir c'est baby-foot ! ! "

A l'unisson tous les hommes se mirent à trépigner et râler !
Des femmes penchées sur les poignées en train de taper dans la balle. Ils voyaient venir le traquenard ! Et en même temps, ils voulaient déjà y être...

Par la misérable fenêtre il pouvait voir que l'encre orangée de la nuit se muait petit à petit en le rose pâle de l'aurore.
La nuit ne lui avait jamais porté conseil. Que d'étranges cauchemars répétitifs et des questions sans réponse. Des pensées à la profondeur abyssale, des regrets flashant dans son cerveau des images méprisées de ce qu'il avait fait, ainsi que des regrets de ce qu'il ne serait jamais.

L'Espoir s'assure que la vie suit son cours.
Que l'on avance dans ce long périple dans la croyance que les choses évoluent comme escomptées. Qu'il y a un plan et qu'en le suivant on sort du tunnel. Pour enfin goûter à la lumière et la félicité du mérite.

Après avoir subit les épreuves, on mérite l'absolution, la paix et le bonheur.

Mais cela est absolument faux.
Des personnes à la vie facile atteignent la félicité, autant que des personnes au labeur infini décèdent sans jamais voir la récompense de leurs efforts. 'L'Espoir fait vivre'. Et la Réalité tue.

Le but de la vie n'est pas de vivre heureux.
Mais de vivre pour léguer ce que l'on a de meilleur à nos proches.

C'était du moins la conclusion que tirait Nathan de la vie.
Et des fictions qui lui servaient tant de référence. Ragnar. Briareos. Will. Corran Horn. Jorge 052. Jinx The Mad Cannon. Jack Sparrow.
Que des références imaginaires, pour un père inexistant.

Le policier caressa la tête de son chien pensivement.  
L'alcool lui faisait tourner la tête, lui apportant l'inspiration et le contentement qui manquait à sa vie jusqu'ici.
Délicieux tournis pour un goût si affreux.

Couché contre le flanc de Sam, Nathan se satisfaisait de sa chaleur.
Il faisait déjà bien assez chaud. Mais la température du chien lui réchauffait le cœur. Sam était vivant.
Le canidé rêvait sans doute à quelque os à moelle. A un jeu trépidant. A un plat de nourriture servit par Evangéline. A une caresse ou à n'importe quelle activité au panthéon des activités que les chiens adoraient.

Nathan lui veillait.
Les animaux dorment. Les enfants rêvent. Et les adultes se battent pour repousser leurs mauvais rêves...