Aucune mention de provenance ni même le nom de l’hôte ne figurait sur l’invitation à la fête d’Halloween reçue quelques jours plus tôt. On indiquait seulement de se rendre à des coordonnées précises – qui menaient à un vieux manoir aux allures abandonnées –, d’apporter de quoi se sustenter et surtout s’abreuver et bien évidemment d’arriver sur les lieux vêtu de son plus beau déguisement. Bien qu’Elijah appréciât tout savoir et détestait les surprises et les imprévues, une partie de lui se relâchait toujours autour de l’Halloween, principalement parce que le mystère entourait cette fête qui prenait souvent des allures de débauches masquées. De plus, quoi de mieux que de flirter avec une personne dont on ignore l’identité, de passer une soirée sans attache et de ne plus y repenser le lendemain ? Vraiment, Halloween possédait quelques avantages frivoles ! Le choix du déguisement s’opéra rapidement, une idée ayant germé dans son esprit dès que ses yeux avaient parcouru le mot costumé. En réaction aux derniers événements, un seul costume paraissait envisageable.

Le milliardaire observa d’un air satisfait son reflet dans son énorme miroir sur pied. Fier de son choix, il salua son esprit machiavélique. Vêtu d’un costume trois pièces immaculé, deux immenses empennages garnis de plumes blanches ornaient glorieusement son dos. Voulant faire un pied de nez aux poulets qui se trouveraient forcément sur les lieux, l’hommes d’affaires avait fait le choix de se déguiser… en ange ! Cependant, il n’allait certainement pas leur faire l’honneur de croire qu’il les admirait ou autres balivernes de la sorte. Hell no ! Ainsi, le halo qu’il portait sur la tête se trouvait scindé en deux, son veston blanc était parsemé de taches de sang, sa chemise sous sa veste n’était pas complètement boutonnée et son nœud papillon reposait autour de son cou, détaché. Bien sûr, pour le commun des mortels, il aurait simplement l’apparence d’un ange déchu. Toutefois, pour ceux qui avaient certainement été mis au courant des événements concernant Méléna, son costume représentait la déchéance de la bande de coqs et leur vraie nature dissimulée sous leurs airs hypocrites de perfection.

Lorsqu’il arriva sur les lieux, armé de quelques bouteilles décentes de whisky – il n’allait tout même pas gaspiller une bouteille de sa réserve personnelle, puisqu’il savait pertinemment que d’autres invités se serviraient dans ladite bouteille – d’un plateau d’hors d’œuvres cuisinés par le chef du Paradise, son hôtel, ainsi que quelques cigares, bien rangés dans la poche intérieure de son veston. Il était de notoriété publique qu’Elijah Carlisle ne festoyait pas aux rhum and coke, au shooters de tequila et aux Jell-o shots. L’entrepreneur traversa la salle principale pour aller déposer ses offrandes dans la pièce qui faisait office de cuisine, se servit un verre de whisky et se rendit dans la pièce suivante où un homme se trémoussait avec un chien tout en tenant dans chacune de ses mains des pilons de poulet et un autre homme, à l’allure plus distinguée qui lui rappelait la sienne.

« Good evening, gentlemen. Quelqu’un d’entre vous connaît-il l’identité de notre hôte ? »

Même si la musique qui emplissait la pièce n’était pas du tout de son goût, ils se mit malgré tout à bouger au rythme de la chanson pop qui jouait. Regardant autour de lui, il se rendit compte que la gent masculine était bien supérieure à la population féminine. Non pas que cela lui déplaise nécessairement – après tout, il jouait dans toutes les plates-bandes – il se dit qu’il serait bien d’équilibrer les participants.

« Nous sommes clairement en majorité masculine pour le moment. Est-une une fête réservée exclusivement au sexe masculin ? »

Ignorant si ces collèges l’avaient entendu, il se contenta de les regarder et de lever son verre.

« Cheers, mates »

Spooky, scary skeletons
Send shivers down your spine
Shrieking skulls will shock your soul
Seal your doom tonight

La musique était aisément perçue depuis l’extérieur du bâtiment lugubre modifié expressément pour l’occasion. Elle s’engageait à peine sur le pavé menant à la porte qu’Iris dansait déjà avec bon entrain dans une pseudo danse shuffle plus ou moins réussie. Cette lettre ne mentait en rien : une super soirée d’Halloween se déroulait à cette adresse et il était HORS DE QUESTION qu’elle ne rate ça! Avait-elle la moindre idée de qui pouvait être l’hôte d’un tel événement? Absolument pas! Mais insouciante et toute naïve qu’elle fut, elle n'en avait absolument rien à faire! Elle avait envie de courir, danser, sauter partout et se dandiner juste pour mettre en évidence ce costume absolument G-É-N-I-A-L-E qu’elle s’était dénichée. Bon après... les 2 milkshakes saveur fraise et la boîte de chocolats bon marché qu’elle avait ingurgités au cours de la soirée n’aidaient en rien son état de pur sugar rush. De par son enthousiasme bien débordant, elle SAVAIT que plusieurs la trouveraient énervante... mais elle n'en avait rien à faire! Elle avait envie de se marrer, bon!

Forte de son costume de tyrannosaure gonflé où trônait une petite visière en plastique lui permettant de voir où elle allait, Iris se savait aussi séduisante qu’une petite culotte fleurie de grand-mère taille XXXL! Mais comme elle n’en avait rien à faire...! Elle était là pour faire rigoler les gens, pas pour être sélectionnée comme participante à Loft Story!

L’énorme costume prenait énormément de place et chaque fois qu’elle se dandinait (comme présentement), le tout effectuait un mouvement de jiggle entièrement assumé, offrant à quiconque pourrait la voir une vision des plus loufoques. Ses bras – trop petits pour le bien de la cause – étaient chargés d’un sac rempli de bouteilles d’alcool trop sucré pour le commun des mortels (hello Sour Puss!) et de snacks de circonstances : gummies sûrs en forme de dinosaures colorés, chocolats en forme de citrouilles, paquets de barbe à papa de diverses couleurs, marshmallows en forme de fantôme, divers cake pops aux couleurs d’Halloween provenant du Café Amandine, popcorn et croustilles bien salées! Oh et sans compter ce petit présent improvisé : une tasse de transport pour les boissons chaudes aux couleurs du Café Amandine (où elle travaillait, bien évidemment) en plus d’un chèque-cadeau permettant de dépenser dans ledit établissement!

Et voilà qu’elle sautillait et se dandinait jusqu’à la porte... puis se figea sur place. Houston, we have a problem... Ses petits bras étaient chargés… Son costume était encombrant... Elle n’arrivait pas à tourner la poignée de la porte... Hmmm... Une impasse bien décevante que voilà! Se balançant de l’avant vers l’arrière, elle fracassait la tête de son tyrannosaure sur la paroi de bois en espérant que ce soit suffisant pour qu’on l’entende... mais sans succès : seul le subtil bruit du polyester se frottant au bois pouvait être perçu. En termes d’efficacité, elle échouait lamentablement! Zut! Est-ce que son merveilleux périple chocolaté et sugar high tirait déjà à sa fin? C’était trop bête! Elle qui souhaitait tellement exhiber son popotin préhistorique devant grand public...

Prise d’une frénésie soudaine et forte d’un refus total d’abdiquer devant cette porte infranchissable, la belle églantine se mit à se tortiller dans tous les sens, tentant de donner des coups de pied dans le bois pour signaler sa présence alors que la tête du T-Rex (à gueule ouverte, doit-on le préciser) se trémoussait dans tous les sens en une expression presque désespérée.

- NOOOOON! OUVREZ-MOI! Halloween!! J’ai des bonbons en otage!!! Je n’hésiterai pas à procéder à leur exécution!!!

MAGIE!!! La Déesse avait forcément perçu son désarroi et était venue à sa rescousse! La poignée de la porte pivotait sous l’influence d’un envoyé assurément divin et la cloison s’ouvrit finalement sur une jolie damoiselle vêtue du plus MIGNON DE TOUS LES PYJAMAS DE LICORNE QU’IRIS AIT JAMAIS VU.


- OMG, TROP CHOU, JE VEUX LE MÊME! S’exclama-t-elle d’une voix couinante et surexcitée en guise de salutation.

Franchissant le seuil en trottant, le tyrannosaure gonflé fixait le costume adorable de la jeune femme aux cheveux bleus, ses petits bras rabougris toujours chargés de beaucoup trop d’effets.

- Mais c’est juste trop parfait avec ton maquillage doré et tes jolis cheveux bleus!! Ça y est!! Je suis envieuse! SALUT au fait!! Je m’appelle Iris, et toi?

Le petit bras droit du dinosaure (chargé d’un sac trop plein) effectuait un léger mouvement de gauche à droite, dans une salutation évidente.

- Dis-moi, tu peux être gentille et m’aider avec mes sacs? J’ai tout plein de trucs sympas à partager, mais l’ère des crétacés n’a pas été clémente avec le développement de mes membres antérieurs... T’as vu? C’est chou, ces tout petits bras!! Hihi! Simplement pas très pratiques...

La licorne fluffy eut l’immense générosité de prendre tout le contenu de ses effets et d’aller les déposer sur la table... là où d’autres gens s’étaient déjà attroupés. OH, mais c’était M. Carlisle, pas vrai?! Non seulement le richissime milliardaire était la coqueluche de l’île, mais elle avait déjà eu l’occasion de le croiser par le passé. OH MAIS IL ÉTAIT ADORABLE CE CHIEN COSTUMÉ. Quelle merveilleuse idée... Oh le chapeau haut de forme, la cape et la canne, trop classe!! Et une mamie en loup? Si original!

Excitée comme une enfant dans une boutique de jouets, Iris trotta jusqu’aux convives quand elle couina de bonheur sous la chanson Ghostbuster qui venait d’être entamée. Bougeant son immense popotin gonflé, elle s’amusait de voir l’effet qu’elle faisait : soit assurément loufoque et un brin étrange.

- Bonjour tout le monde! Canta-t-elle, guillerette. Oh ça l’air bon tout ça!! Par où je commence?

Agrippant difficilement un petit canapé... elle freina soudainement ses ardeurs... Comprenant dès lors qu’un autre défi de taille se dressait devant elle : comment pouvait-elle boire et manger dans ce truc? Son visage était protégé par une visière en plastique transparent...

- Bah! Je n’ai pas si faim de toute façon! Je trouverai bien une solution le temps venu!

Et elle redéposa l’encas, l’air de rien...

- Bien le bonjour, M. Carlisle!! Comment allez-vous? Ce costume... erh... vous va comme un gant! Elle était sugar high, pas idiote. Elle savait ce que ça voulait dire, elle était présente, lors de cette soirée funeste. Juste assez provocateur pour faire parler les gens, n’est-ce pas? Un pied de nez habilement maîtrisé considérant la chute de votre somptueux Éden par ces attaques terroristes! Un ange déchu c’est parfait pour vous! J’applaudirais votre audace si mes mains pouvaient être jointes l’une à l’autre!

Un peu acerbe? Peut-être. Elle avait tout de même un parti pris pour les siens...

- OHHHHH Thriller! J’adore cette chanson




[P. S. je précise que j’ai l’autorisation d’Alyss pour la faire bouger un peu haha!]

Le bruit de ses escarpins dorés claquant sur le pavé inégal pouvait être entendu dans les environs, trahissant la présence illustre de cette invitée qui, visiblement, se croyait plus importante qu’elle ne l’était vraiment. L’air hautain figurant sur ses traits graciles n’était qu’à demi feint, cette dernière se demandant visiblement pourquoi elle avait répondu à cet appel insignifiant. Une fête d’Halloween... comme si elle avait que ça à faire. Et pourtant, la rouquine était là devant ce bâtiment lugubre, se ventilant grâce à cet éventail bon marché composé de cartes à jouer. Rien ne l’obligeait à franchir cette porte d’où émanait déjà une musique typique des festivités attribuées au 31 octobre. En était-elle effrayée? Pas du tout! Elle avait eu son lot de frousse ces derniers temps, et ce n’étaient pas quelques décorations factices qui allaient lui flanquer la chair de poule.

Détestait-elle faire la fête? Pas forcément non plus. Seulement, elle aimait davantage les soirées mondaines, elle qui souhaitait ardemment rejoindre cette caste de la société qui lui était d’emblée inaccessible. Mais bon... Vu l’anxiété et le stress découlant des derniers événements associés à l’Éden, Primerose s’était dit que, PEUT-ÊTRE, il valait mieux qu’elle se change les idées. De toute façon, si la soirée s’avérait être d’un ennui débilitant, rien ne l’empêchait de quitter, non?

Ses lèvres vermeilles en forme de cœur effectuèrent une moue un peu boudeuse et l’aldagoon jeta un regard à ce sac chatoyant qu’elle avait emmené avec elle. Les bouteilles de vin allaient être ses meilleures amies ce soir. Pour la nourriture? Elle n’avait rien emmené... Non seulement tout son argent du moment s’était volatilisé dans la location de cette tenue et dans l’achat de ces bouteilles de vin, mais elle surveillait également sa ligne, elle qui craignait prendre du poids ces derniers temps. Comme présent, une bouteille de cognac haut de gamme qui lui avait été offert par un ancien client désireux de lui faire plaisir. Or, Primerose ne buvait pas de cet alcool-là... mais qui sait, peut-être trouverait-il preneur?

Parcourant les quelques mètres la séparant de la porte au bois usé, la lady se demanda d’abord si elle devait toquer... Puis, elle se ravisa, concluant d’emblée que ses coups ne seraient peut-être pas perçus, vu le brouhaha intense faisant office de pseudo musique qui ne lui plaisait que très peu. Posant sa main aux ongles rouges parfaitement manucurés sur la poignée de fer forgé, la jeune femme fit son entrée.

La **reine de cœur** jeta un regard tout autour d’elle d’un air calculateur, conservant au visage cet air hautain qui, devons-nous le rappeler, avait très peu à voir avec la sélection de son costume. Les motifs dorés chatoyaient sous les lumières tamisées de l’endroit et le rouge écarlate de sa robe longue ne pouvait faire autrement que d’attirer l’attention. Près de l’ourlet, tout en bas, se trouvaient des motifs noirs et dorés typiques de cartes à jouer : cœur, carreau, trèfle, pique. Son décolleté était plongeant, laissant entrevoir sans soucis la courbe de ses seins. Un immense collier de perles blanches (fausses, faut-il le préciser) enserrait son cou gracile alors qu’un pendentif imitant à merveille un rubis en forme de cœur glissait vers son buste déjà bien mis en évidence. Ses cheveux roux bouclés tombaient sur ses épaules et sur sa tête trônait cette couronne dorée ornée de cœurs habilement fixée. Son maquillage était parfaitement de circonstance : rouge et noir, mais surtout, bien provocateur. Son corset noir, doré et rouge accentuait sa taille déjà fine et coupait un peu son souffle... mais il fallait le nécessaire pour être époustouflante, pas vrai?

Les convives semblaient bien s’amuser et c’était peu dire : il y avait même une mémé-louve qui se dandinait habilement sur la chanson Thriller du défunt Michael Jackson aux côtés d’un T-Rex gonflé qui, visiblement, en mettait davantage que ce que le client demandait. Ces deux-là devaient forcément avoir consommé un truc pas net ou quelque chose du genre... Dans la pénombre, la rose incendiaire leva les yeux au ciel, puis s’avança vers la table où trônait tout un buffet éclectique ainsi que bon nombre de bouteilles d’alcool. Dans un mouvement gracile, la belle déposa son présent et ses bouteilles de vin, puis esquissa un sourire en coin alors qu’une truffe qu’elle reconnaissait à merveille venait la renifler.

- Hey... Mais c’est Sam! Bonsoir, mon chou! Pliant des genoux pour se pencher vers ce dernier (parce que bon... vu le corset, le thorax était bien figé en place), la catin gratta le crâne du cabot, comprenant bien évidemment que son maître devait être tout près. Naturellement, elle releva son regard pour aviser son douchebag favori qui dansait, non loin de là, déguisé en squelette et tenant un pilon de poulet dans chacune de ses mains. Sourire amusé, la beauté se releva et alla à sa rencontre. Un membre du corps policier est présent, donc forcément, je dois me sentir davantage en sécurité, pas vrai? Ou alors il y a une embuscade quelque part, encore une fois? Elle ponctua ses propos d’un clin d’œil. Ravi de te revoir en des circonstances plus légères! Comment vas-tu? Je vois que tu t’amuses bien!

Elle gloussa, avisant d’un mouvement du menton le casse-croûte dévoré avec appétit dont s’était doté le grand gaillard. D’un simple mouvement négatif de la tête, la reine de cœur refusa poliment quelconque victuaille, mais se saisit volontiers d’une coupe pour y verser un délicieux vin rouge qu’elle avait emmené. Portant la consommation à ses lèvres purpurines, la beauté continua de se ventiler grâce à son éventail puis esquissa un nouveau sourire lorsque ce beau gosse de blanc vêtu se dessina dans son champ de vision, dos à elle. D’humeur taquine, elle siffla ce dernier en un cat call bien assumé. Oh elle se permettait volontiers ces familiarités avec son partenaire d’affaires sans le moindre souci!

- Monsieur Carlisle! Ma foi, vous resplendissez ce soir! D’un mouvement de son éventail maintenant refermé, elle fit signe à son compagnon masculin de pivoter un peu sur lui-même afin qu’elle puisse le détailler sous toutes ses coutures. Je n’ai pas de mots pour souligner mon appréciation face à cette tenue d’une éloquence incroyable! Mais dites-moi : même si l’Éden a chuté, son roi a assurément comme plan de le faire revivre de ses cendres, pas vrai? Connaissant le richissime bellâtre, elle se doutait qu’il ne conserverait pas le statuquo bien longtemps : d’ailleurs, sa tenue en était un parfait exemple. Elijah avait trop d’ego (et de fric) pour ne pas rebâtir son Éden, figure de proue de son illustre empire. Vous savoir si provocateur me fait presque regretter ma devise! C’est si plaisant à voir! Don’t fuck with the payroll. C’était la clé.

Puis, tournant son regard vers cet homme au look de gentleman qu’elle ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam, la belle opina du chef en sa direction en guise de salutation. Sourire courtois aux lèvres, elle prit une gorgée de son vin.

- Bien le bonsoir, je ne crois pas que notre route se soit déjà croisée? Fit-elle à son intention. Je m’appelle Primerose, ravie de faire votre connaissance.

Bon après, qui d’entre ces convives étaient surnaturels ou pas, elle ne savait plus très bien (hormis M. Carlisle ici présent, bien évidemment), puisque la créature incendiaire qu’elle était ressentait plusieurs auras simultanément. Cette cacophonie sensorielle était déroutante! Après, peut-être en saurait-elle davantage au cours de la soirée...

Tournant son magnifique regard couleur émeraude au reste de la pièce un bref instant, la prostituée remarqua cette mémé-louve, près de la table remplie de victuaille. Cette dernière venait de porter une bouteille d’alcool à sa bouche, y avalant plusieurs lampées sans la moindre tenue. Si cette attitude un peu étrange la fit tiquer un instant, elle ne put s’empêcher néanmoins la détailler quelques instants se demandant pourquoi cette attitude étrange lui disait vaguement quelque chose... Meh, peu importe, elle ramenant son attention sur l’homme au look de gentleman venu d’une autre époque...

Comme il lui arrivait à plusieurs reprises depuis qu’elle avait rencontré l’homme d’une autre époque lors d’une mission qui avait pris une tournure intéressante à l’intérieur d’un magasin de sports, Philomena était dissimulée dans l’ombre que lui offrait une maison d’apparence centenaire et léchait à grandes lampées un cornet de glace au chocolat. Elle n’avait rencontré aucune difficulté à tracer à son insu le gentleman à la chevelure aussi blanche que la sienne et à le suivre jusqu’à sa demeure. Il fallait le dire, Monsieur Desétoiles habitait un beau quartier de l’île et il devait certainement cacher une petite fortune. De fait, pour se vêtir d’une façon aussi extravagante que sobre, cela devait nécessiter un certain montant d’argent. Rapidement, l’assassin se perdit dans ses pensées, s’imaginant en dame de la maison de ce petit manoir. Elle chassa cette pensée d’un coup de langue sur sa crème glacée chocolatée. Que faisait-elle à penser à habiter dans cette maison alors que Boris lui réserverait un traitement royal lorsqu’elle aurait réussi à se débarrasser de tous ses ennemis ? Et décidemment, cet intrigant bourgeois faisait partie des ennemis de son roi – cela avait été évident dès leur rencontre initiale.

C’était uniquement pour cette raison, s’efforçait-elle à se répéter, qu’elle avait entreprit cette filature. Pour protéger son roi et son royaume. Certainement pas parce qu’il exerçait sur elle une fascination incompréhensible. Le bruit maintenant reconnaissable d’une cane qui se posait sur le sol la tira de sa réflexion. Quelqu’un sortait de la demeure, mais cela ne pouvait pas être l’objet de sa filature. Premièrement, ses cheveux arboraient la couleur verte néon des mauvaises teintures, son visage avait été peint complètement en blanc et une vilaine cicatrice rouge ornait sa bouche. La jeune femme n’en crut pas ses yeux, Monsieur Desétoiles était-il vraiment costumé ? Hébétée, elle jeta un coup d’œil autour d’elle et réalisa que plusieurs petits morveux étaient également costumés. Halloween, vraiment ? Comment avait-elle pu manquer ce détail ! Elle ADORAIT Halloween ! L’occasion parfaite pour jouer des tours et porter des déguisements extravagants ! Dire qu’elle avait le parfait costume de Cruella De Vil à son appartement dans le Sin District. Mais elle ne pouvait certainement pas prendre le temps de retourner chez elle et se costumer, sa proie se mettait en mouvement et sa curiosité quant à sa destination l’emporta largement sur son désir de se costumer.

Ravalant sa déception, Philomena écrasa son cornet de glace sur la tête du premier môme qui passa devant elle en lui tirant la langue alors qu’il pleurait et se dissimula dans les ombres pour suivre celui qui brillait autant que n’importe quel enseigne à Time Square. Heureusement, la nuit était déjà tombée et elle avait opté pour des vêtements sombres, ce qui facilitait la traque. Tous deux progressaient, s’éloignant de la civilisation vers une partie plutôt abandonnée de l’île. Au bout du chemin, l’assassin put voir un vieux manoir abandonné aux allures décrépies. Vraiment ? L’homme qui avait à peine osé la toucher la dernière fois allait entrer dans ce piège à bestioles ? Quelques personnes précédaient l’homme aux cheveux à la couleur radioactive, notamment un énorme dinosaure gonflable qui se mouvait près de la porte et sublime reine de cœurs. La jeune femme afficha à nouveau un air boudeur. Si seulement elle avait réalisé qu’on était le jour d’Halloween ! Elle aurait pu faire fureur aux côtés de cette rouquine aux airs glamour.

Une envie de suivre Monsieur Desétoiles la submergea, mais elle s’arrêta rapidement. Elle n’était pas costumée. A coup sûr, il allait la reconnaître et il déduirait rapidement qu’elle l’avait suivi. À moins que… Mais oui ! Elle n’avait qu’à se costumer également ! On n’y verrait que du feu ! Pourtant, elle était toujours aussi éloignée de son appartement que lorsqu’elle espionnait la demeure de celui qui répondait au prénom d’Armant. Non. Elle devrait faire avec ce qu’elle avait sous la main. Regardant autour d’elle, Philomena remarqua qu’une autre forme se dessinait derrière elle. Une autre personne arrivait à la fête costumée. Génial ! Elle venait de trouver son déguisement. Pourtant, la personne qui s’approchait semblait extrêmement grande. Elle n’avait pas le temps d’amender son costume ! Pourquoi rien ne jouait-il en sa faveur ce soir, elle à qui la chance souriait souvent !

Lorsque l’individu fut plus près, elle comprit sa confusion. L’homme – car il s’agissait d’un homme – n’était pas grand en soi. Il était simplement déguisé en **hot-dog** géant. L’assassin soupira. Vraiment ? Un hot-dog ? Elle regarda un peu plus loin sur le chemin afin de voir si une autre opportunité se présentait. Malheureusement, la chaussée était vide. Hot-dog it is then, soupira-t-elle. S’approchant de la saucisse géante d’un air séducteur, il ne fut pas compliqué de l’entraîner à la lisière des arbres avec une promesse d’une partie de jambes en l’air clandestine. Dès la première occasion, elle l’assomma à un tronc d’arbre de façon à lui faire perdre connaissance. Avec un dernier soupir de dédain, elle dénuda l’homme, puis enfila le costume. Comme elle devait avoir fière allure !

Philomena remarqua également que la saucisse maintenant dénudée portait avec elle un sac rempli de victuailles : deux bouteilles de Fireball, plusieurs variétés de chips ainsi qu’une boîte de préservatifs. Découragée, elle jeta un coup d’œil dégoûté à l’homme, se sentant souillée de porter pareil costume. Elle lui balança la boîte à la figure et reprit le chemin du manoir, glorieuse qu’elle était dans son costume de weiner. Alors qu’elle approchait de la maison, elle pouvait entendre la musique thématique d’Halloween faire pratiquement trembler les murs. Elle tourna la poignée de porte pour entrer, mais elle fut aussitôt stoppée. Merde ! Le haut de sa saucisse était trop haut pour le cadre de la porte et l’empêchait de traverser le porche. La jeune femme avait beau plier les jambes, le haut de sa stupide charcuterie ne voulait pas passer. Elle savait pertinemment que personne ne la suivait. Une seule solution restait : elle devait attirer l’attention d’une personne à l’intérieur.

« À l’aide ? Quelqu’un ? Saucisse en détresse ici ! »

Elle devait crier de toutes ses forces pour se faire entendre en raison de la musique. Heureusement, une personne vint à son secours. Plus grand qu’elle, il réussit à plier l’extrémité supérieur de la saucisse suffisamment pour qu’elle puisse passer la porte. Malheureusement pour elle, le haut de la saucisse se déplia avec tellement de vigueur que cela lui fit perdre son élan et elle tomba sur le dos. Weiner down ! Weiner down ! Décidemment, ce costume de malheur était la pire des plaies. Une fois de plus, son sauveur se porta à sa rescousse et au bout de quelques secondes, elle put se remettre sur pied. Il allait sans dire que plusieurs personnes l’observaient maintenant en riant ! Voilà ce qu’on pouvait qualifier d’entrée remarquée !